Comment choisir une traduction du Coran : points importants à prendre en compte

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Le miracle du Coran et son inimitabilité
La difficulté à traduire le Coran
Les erreurs et des choix contestés dans les traductions du Coran
Les intentions derrière les traductions
Des traductions du Coran recommandées



Coran miracle

Le miracle du Coran et son inimitabilité


Le Coran, parole d’Allah, est universel. Sa parole s’adresse donc à toute l’humanité et de tout temps. Cette particularité pose la question de l’accessibilité aux peuples non arabophones. Le Coran fut révélé en langue arabe. L’éloquence de cette langue fait d’elle un défi pour les traducteurs. Allah, Exalté soit-il, le souligne dans la sourate 26 verset 195. Le Coran a été révélé « Bilisanin ‘Arabiyin Mubinin » « en une langue très claire » (traduction du Pr. Hamidullah). L’arabe du Coran est d’autant plus difficile à comprendre qu’il nécessite non seulement une connaissance de la langue mais également du contexte. Loin des dialectes en usage dans les pays arabophones et pas tout à fait l’arabe classique enseigné dans les écoles, la langue du Coran est une science à part.

Il existe, aujourd’hui, de nombreuses traductions en langue française. Parfois littéralistes, d’autres fois plus proche du sens. Chaque traducteur a tenté de traduire le Coran en utilisant une approche différente. Parmi toutes ces traductions, le choix peut sembler complexe et peut créer l’envie d’en piocher une au hasard.

Pour pallier à cette tentation, nous vous proposons une analyse de différentes catégories de traductions disponibles et vous proposerons une sélection basée sur plusieurs critères.




Difficulté à traduire Coran

La difficulté à traduire le Coran


Pour comprendre pourquoi il y a une telle diversité de traduction, il faut rappeler que le Coran est inimitable. La traduction n’est pas le Coran. Il s’agit d’une interprétation de ce dernier. Le Noble Coran est un miracle qu’on ne peut imiter ni dans son éloquence, ni dans sa rhétorique. Allah, Exalté soit-il nous l’affirme à deux reprises : « Dis : « Si les hommes et les Djinns s’unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne produiraient rien qui lui ressemble, même s’ils s’aidaient mutuellement » dans la Sourate 17, verset 88, (Traduction D. Masson). { Ou bien ils disent : « Il l’a inventé lui-même ? » Non… mais ils ne croient pas. Eh bien, qu’ils produisent un récit pareil à lui (le Coran), s’ils sont véridiques. } Sourate 52, verset 33-34, (Traduction Hamidullah). Un des traducteurs du Coran en langue anglaise, un orientaliste du nom d'Arthur John Arberry, a admis dans son ouvrage The Koran Interpreted : « J’ai concédé la pertinence du point de vue musulman, […] que le Coran est intraduisible ». Sans être croyant lui-même, il atteste de l’inimitabilité du Noble Coran. Il rajoute plus loin : « La rhétorique et le rythme de l’arabe du Coran sont si caractéristiques, si puissants, si hautement émotifs, que toute version [de traduction], qu’elle soit, est vouée par la nature des choses à n’être qu’une piètre copie de la splendeur étincelante de l’original. ». Tous s’accordent à dire que le Coran dans sa langue source est inégalable.



Erreurs dans traduction du Coran

Les erreurs et des choix contestés dans les traductions du Coran



Par conséquent, la traduction ne peut englober la totalité des caractéristiques du Noble Coran. Même hors contexte de la traduction du sacré, par principe, traduire c’est trahir, comme l’a relevé l’adage italien « traduttore, traditore » (traducteur, traître). La traduction requiert-t-elle forcément des modifications du phrasé ? En effet, la fidélité au texte peut porter préjudice au sens comme à l’esthétique. Ainsi, Blachère traduit le verset 5 de la sourate 109 Al-Kafirun « vous n’êtes pas adorant de ce que j’adore. » ce qui est syntaxiquement faux en français. De même pour Chouraqui qui invente une structure de phrase pour traduire le premier verset de la sourate 35 « Il louange Allah le Tout des ciels et de la terre » et ceci dans un but de calquer la formulation arabe qui ne donne in fine que des expressions obscures en français. La traduction littérale est donc une double trahison, ni la forme ni le sens n’y sont respectés. Parmi les difficultés de traduction, il y a la différence de culture. Deux langues différentes impliquent également deux réalités distinctes. Le vocabulaire français possède un référentiel chrétien ce qui peut ne pas correspondre aux préceptes islamiques. Par exemple, le mot « mahr » qui fait référence à une somme d’argent donné par le mari à sa femme afin de contracter un mariage n’a pas d’équivalent en français. Il est traduit par dot ou douaire ce qui est une erreur dans les deux cas. La dot étant un bien qu’apporte la femme en se mariant et le douaire est un droit qu’a l’épouse sur les biens de son mari décédé. L’utilisation de ces termes est inévitablement accompagnée d’une explication afin que le français vivant dans une réalité différente acquière un sens plus proche de la réalité du Coran. D’autres traducteurs ont choisi d’opter pour une méthodologie différente ; garder les termes arabes. C’est le cas de Chouraqui qui a choisi de ne pas traduire certains mots comme « rab » comme s’il souhaitait garder une distance entre le lecteur et le texte. En témoigne ses choix douteux en terme de traduction : Al Muminun qu’on traduit par croyants sont les « adhérents » selon Chouraqui ou encore Al Kaffirun soit les mécréants / non-croyants qu’il désigne par l’expression les « effaceurs ». Des choix qui induisent une certaine confusion chez le lecteur.



Traducteurs mauvaises intentions

Les intentions derrière les traductions



On peut ainsi se questionner sur le but derrière certaines traductions. Ceci n’est pas nouveau, c’est même très ancien. La première traduction dans une langue européenne a été publiée en 1143, en latin. C’était dans un contexte de croisades (expéditions militaires de chrétiens catholiques initialement contre les musulmans d'Orient, se prolongeant contre la Constantinople orthodoxe en 1403 et les villes et régions protestantes d'Europe, encore plus tard).

Le comte Henry de Castries résuma bien les conséquences de siècles de diffusion délibérée de mensonges en Europe, au sujet de l'islam. Dans son ouvrage "L'islam" où il livre ses impressions et réflexions en allant au contact des musulmans d'Algérie, à la fin du XIXeme siècle, il s'interroge ainsi:

"Qu'eût pensé le monde musulman s'il avait connu les légendes qui avait court au Moyen âge sur Mahomet et s'il avait pu comprendre les lais de nos trouvères ? La plupart de nos chansons de gestes, même celles antérieures au XIIeme siècle, sont animées de "l'esprit des croisades", de cette haine prodigieuse contre l'islamisme. Elle avait sa source dans l'ignorance complète de la religion des Sarrasins, mais par une action réflexe, elle contribuait elle-même à accréditer sur l'islamisme les fables les plus grossières. C'est ainsi que prirent racine dans tout l'Occident ces préjugés si tenaces que quelques-uns survivent encore aujourd'hui. Pour les trouvères, les Sarrasins sont des païens, des idolâtres; les trois dieux principaux du panthéon musulman sont par ordre d'importance Mahom, Apollin et Tervagant; Mahomet avait fondé sa religion en se faisant passé pour un dieu." (Chapitre premier, p.2)

Le but de cette première "traduction" était donc précisément de nuire à l’image de l’Islam. Quant à la première traduction en langue française, elle revient à André du Ryer publiée en 1647, l’Alcoran. Il s’agit d’une référence à partir de laquelle d’autres traducteurs ont entrepris le même exercice en différentes langues (anglais, allemand, russe…). Cette traduction a vu le jour dans une période où l’Islam était méconnu, elle devient rapidement obsolète en 1783, lorsque une traduction de Claude-Etienne Savary est publiée. Orientaliste et égyptologue, sa traduction du Noble Coran en français, dans laquelle il fait l’éloge du Prophète (PSL) vaudra la fascination qu’aura Napoléon pour le meilleur des hommes (PSL).

Débutera alors une longue série de traductions, toutes plus différentes les unes des autres. La multiplication des traductions n’est pas un mal en soit. Abdallah Penot, traducteur du Coran en langue française, approuve cela dans l’introduction de son ouvrage : « […] c’est précisément sa complexité (du Coran) qui justifie cette multitude d’approches que l’on peut en conséquence considérer comme toutes fondées. ». Parmi les traducteurs les plus éminents du Coran en français, certains se sont distingués par leurs capacités à rendre le texte accessible tout en préservant son essence spirituelle, tandis que d’autres ont été critiqués pour des interprétations discutables ou des choix linguistiques contestables.

Nous avons cité, plus tôt, l’exemple des orientalistes qui se sont efforcé de déformer le contenu du Coran dans un but de repousser et d’éloigner les Européens d’une possible conversion à l’Islam. Plus récemment, des traductions du Coran en français, moins marquées par des tentatives d'induire en erreur manifestes n’en suscitent pas moins des interrogations sur les intentions des auteurs. Par exemple, force est de constater que les choix de traductions d’André Chouraqui sont, pour le moins, critiquables. Dès la basmallah (formulation contenant bismillah) du premier verset de la première sourate, la fatiha, le lecteur est d’emblée plongé dans une terminologie obscure. Cette basmallah est traduite par « Au nom de Dieu, le Très Miséricordieux, Le Tout Miséricordieux » selon Hamidullah, « Au nom d’Allah, le Miséricordieux, celui qui fait Miséricorde » pour la version d'Aliouane, et devient « Au nom d’Allah, le Matriciant, le Matriciel » dans la traduction de Chouraqui. D’autre part, le terme « Mutaqqun » qu’on traduit généralement par « pieux » est interprété comme « frémissant » par ce dernier. Est-ce une manière de desservir le message ou est-ce simplement un choix de traduction peu conventionnel ? Dans les deux cas il s’agit d’une traduction très peu accessible que nous ne conseillons pas. C’est pourquoi il est important de se documenter sur les traducteurs lorsqu’on se procure une version du Coran traduit.

Certaines éditions ne renseignent pas le nom du traducteur ce qui est un manque de considération pour ce dernier, et une difficulté supplémentaire pour le lecteur qui veut connaitre précisément le niveau de fiabilité de la traduction qu'il a entre les mains. Ceci peut résulter d’une diffusion de masse des traductions du Coran, qui peut à la fois faciliter l’accès au message divin mais également nuire à ce dernier lorsqu’il s’agit d’une traduction peu qualitative. Il y a effectivement, depuis le début de ce siècle, un essor de la diffusion des traductions du Noble Coran. Notons par exemple, que le complexe du Roi Fahd à Médine produit a lui seul environ 10 millions d’exemplaires du Coran et traduction de ses sens par année !



Traduction du Coran recommandée

Des traductions du Coran recommandées



Le choix du « meilleur » traducteur du Noble Coran dépend largement des critères spécifiques que l’on privilégie à titre individuel. Certains peuvent accorder une grande importance à la précision linguistique tandis que d’autres peuvent valoriser la capacité du traducteur à transmettre la signification spirituelle profonde du texte. Nous vous proposons une petite liste non exhaustive :

  • Nabil Aliouane, avec sa traduction récente met l'accent sur la transmission du sens des interprétations en documentant la traduction par un tafsir succinct reprenant les autorités dans le domaine en particulier Ibn Kathir.
  • Denise Masson, orientaliste et pionnière de la traduction du Coran en français. Elle a misé sur la netteté de la langue, rendant ainsi le texte accessible au large publique. Une écriture claire et élégante malgré un manque de profondeur.
  • Muhammad Hamidullah, premier musulman à avoir traduit le Coran en intégralité en français. Caractérisé pour son exactitude linguistique. Sa traduction du Coran est riche, littérale et très documentée. La religiosité et le génie du traducteur fait la différence. La traduction du Coran de Hamidullah est élue meilleure traduction du Coran par le collectif des savants de Médine. Cependant, les traductions du Coran les plus répandues aujourd’hui sont des versions révisées, par divers comités de relecture, de la traduction originale du Pr. Hamidullah.
  • Sadok Mazigh, un traducteur d’origine tunisienne au style simple et efficace.
  • Maurice Gloton ; sa traduction, favorisant la méditation, se rapproche de l’étymologie de la langue arabe. Il a choisi l’approche linguistique ce qui conviendrai à ceux qui souhaitent apprendre l’arabe.
  • Mohamed Chiadmi de l’édition Tawhid, il s’agit d’une traduction explicative. Le traducteur s’est inspiré de différents exégèses et use d’un langage soutenu, entre le synthétique et l’analytique. Cette traduction est idéale pour les lecteurs assidus.

La traduction du Coran est par définition imparfaite. Comme dit précédemment, le Coran est inimitable. La meilleure alternative à la traduction reste la langue originale. C’est pourquoi l’apprentissage de l’arabe est une priorité pour une grande partie des musulmans. Et ce, dès l’enfance à travers les cours d’arabe et jeux éducatifs.

Cependant, tout le monde n’a pas eu la chance d’apprendre la langue étant enfant. L’important est d’y mettre l’intention peu importe son âge. Prenons exemple sur Muhammad Hamidullah, ce grand érudit insatiable ayant rédigé personnellement, dans le cadre de ses recherches au CNRS, des publications dans cinq langues différentes, et qui a tout de même entreprit l’apprentissage du coréen à l’âge de 74 ans !

En attendant de maîtriser la langue arabe, il est essentiel de méditer sur le Coran à travers des traductions du Coran de bonne qualité. Parmi ces  traductions qualitatives, la rédaction Islakado souhaite mettre la lumière sur une édition récente, la traduction du Coran Tawbah. L’effort de traduction de Nabil Aliouane a nécessité 7 ans. Il s’est appuyé sur les interprétations de différentes exégèses parmi les plus reconnues. Cette traduction explicative est très documentée tout en étant agréable à lire et accessible à tous.

Coran Tawbah blogCoran traduction Tawbah

La traduction du Noble Coran est en constante évolution. Avec les années qui passent, et les nouveaux moyens technologiques et données disponibles, le besoin d' actualisations se fait sentir. Le lecteur musulman ou non est invité à multiplier ses sources, à lire plusieurs versions des traductions dans un souci de complémentarité. Pour cela, il ne faut pas hésiter à se renseigner sur les traducteurs et leur approche. Ceci apportera de la lumière à la lecture et permettra de méditer sur la Parole d’Allah dans de bonnes conditions.

Balqis